Jeudi 28 juin, le Conseil municipal a autorisé le Maire à signer le contrat financier entre la Ville et le gouvernement. L’objectif du gouvernement étant de contraindre les collectivités à réduire leurs dépenses d’un montant avoisinant les 13 milliards d’euros d’ici 2022.
« Comme vous avez pu le lire dans le projet de délibération ce soir, je vous propose d’approuver le projet de contrat financier entre la commune de Saint-Denis et l’Etat. J'ai parfaitement conscience qu’il s’agit là d’un marché de dupes. Mais il ne serait pas responsable, vis-à-vis des Dionysiennes et des Dionysiens, que nous ne le signions pas.
C’EST UN MARCHÉ DE DUPES car, une nouvelle fois, le rôle des collectivités pour le soutien à l’économie et à l’emploi local est totalement minoré. Saint-Denis, c’est une politique de lutte contre la crise francilienne du logement avec près de 1000 logements qui sortent chaque année de terre. Saint-Denis, c’est en moyenne 40 millions d’euros d’investissement par an depuis 2014. Saint-Denis, c’est aussi un quart de nos marchés attribués à des entreprises locales.
En limitant nos dépenses de fonctionnement à 1,35% d’évolution, ce contrat financier mettra fortement en contrainte notre commune qui construit du logement, qui développe du service public, qui soutient l’économie et l’emploi local et qui répond aux besoins des Dionysiennes et des Dionysiens.
C’EST UN MARCHÉ DE DUPES car, une nouvelle fois, ce sont les collectivités territoriales qui sont mises à contribution pour réduire la dette publique. Rappelons déjà que les collectivités ne sont pas responsables de la dette publique puisque seulement 7% de cette dette leur est imputable. De plus, les collectivités n'empruntent que pour répondre aux besoins futurs de leurs populations. Ce sont des investissements d'avenir.
Entre 2014 et 2017, la baisse des dotations de l’Etat s’est traduite par 11,5 milliards d’euros en moins pour les collectivités. Pour Saint-Denis, ce désengagement de l’État s’est concrètement traduit par une perte de 28 millions d’euros pour les Dionysien-ne-s. Aujourd’hui, l’effort demandé aux collectivités est de 13 milliards d’euros d’ici 2022. Ce nouvel effort demandé aux collectivités ne peut que nous interpeller quand on sait que les entreprises du CAC 40 ont bénéficié en 2016 de plus de 26 milliards d’euros en crédits d’impôts.
C’EST UN MARCHÉ DE DUPES car cette contractualisation marque une nette rupture dans la politique de décentralisation menée depuis plus de 3 décennies et elle laisse largement craindre la fin de l’autonomie des collectivités locales.
Demain, je devrai rendre des comptes au Préfet sur les choix budgétaires de la commune, c’est-à-dire sur les orientations et les engagements municipaux pour lesquels nous ont élus les Dionysien-ne-s.
Demain, avec la suppression de la taxe d’habitation, avec la réforme annoncée des institutions, avec la limitation du pouvoir des Maires prévu dans le projet de loi ELAN, avec la contractualisation, le rôle des élu-e-s locaux et leur marge d’action pour répondre aux besoins de leur population seront amoindris et l'autonomie des collectivités, qui s'appuie en partie sur le levier fiscal, sera attaquée. Plus globalement, je crains que nous assistions à une stratégie d’appauvrissement de tous les corps intermédiaires de la part de ce gouvernement. Le mépris manifeste qu’il témoigne aux syndicats, aux associations et aux élus locaux en donne largement la preuve.
C’EST UN MARCHÉ DE DUPES car la méthode annoncée, celle du dialogue entre les représentants de l’Etat et les élus locaux n’est pas au rendez-vous. Nous avons demandé, lors de nos rencontres avec la sous-préfète et le préfet, le retrait des dépenses correspondant aux politiques impulsées par l’État, celui des dépenses liées aux quartiers en politique de ville et à tous les dispositifs mis en œuvre dans ce cadre, celui des dépenses induites par l’évolution démographique et le développement territorial. Nous n’avons pas été entendus. Nous avons demandé que ne soient pas prises en compte les dépenses lorsqu'il y a des recettes en face. Nous n'avons pas été entendus.
Nous avons demandé une prise en compte des évolutions de la population sur un temps plus long. Nous n'avons pas été entendus. Nous avons par contre obtenu 1,35% d'évolution des dépenses au lieu de 1,2% mais c'est bien insuffisant.
Cependant, ne pas signer nous expose à une perte de 622.000 euros dès le budget 2019. Je vous rappelle que nous avons voté un budget primitif à 1,4% d'évolution des dépenses. Ne pas signer, c'est soit proposer nous-mêmes des baisses d'activités par rapport au budget voté pour le ramener à 1,05% ou 1,2%, c'est soit accepter des pénalités de baisse des dotations plus importantes. Finalement, c'est faire baisser plus fortement notre budget de fonctionnement que nous l'impose le gouvernement par la contractualisation.
Si nous ne signons pas, non seulement l’État nous appliquera un taux d’évolution des dépenses de fonctionnement plus bas, de 1,2% à 1,05%, mais sanctionnera plus fortement tout dépassement de ce nouveau taux par une baisse de nos dotations. Si nous ne signons pas, nous pourrions subir une diminution de nos recettes d’environ 2,7 millions d’euros cumulés sur 3 ans.
Une perte de 622.000 € par an, cela représente :
- 57.000 repas à la restauration scolaire
- ou une quinzaine de postes de personnel des écoles
- ou près de 9% des subventions municipales allouées aux associations en 2017
- ou 80% du budget total de la mission habitat indigne
- ou près de 75% du budget de fonctionnement (hors personnel) pour l’accueil des petits Dionysiens dans les Maisons du Petit Enfant.
Si nous ne signons pas, nous faisons payer aux Dionysien-ne-s. En toute responsabilité, je pense que nous nous devons, pour les Dionysiens et pour préserver les services publics que nous leur offrons, de signer le contrat financier qui vous est soumis ce soir, tout en continuant à se battre pour une clause de revoyure, tout en appelant les Dionysien-ne-s à continuer à se mobiliser contre cette politique gouvernementale d'austérité, tout en demandant aux parlementaires de revenir sur cette loi de contractualisation et sur ses effets pervers. »
Laurent Russier
Maire de Saint-Denis